Qui était le Comte Charles de Boulogne, à l'origine du Château de Boulogne-la-Grasse?
Le château de Boulogne ne ressemble à aucun autre. Avec une architecture puisant son inspiration dans l'histoire et dans l'ésotérisme, il est né dans l'imaginaire de Charles de Boulogne (1864 - 1940), un riche propriétaire terrien belge qui achète le titre de Comte et qui entreprend la construction du château en 1896 sur les vestiges du château de la famille de Lancry.
Durant 25 ans, il mit toute son énergie et sa fortune à réaliser son "Grand Œuvre", une demeure philosophale, un château des Mystères qui hélas fut détruit en grande partie lors de la bataille du Matz en 1918.
Son ami l'abbé Martinval, dont le buste orne une des arcades extérieure du château, Curé de Boulogne, bénéficia de ses largesses pour l'église du village, la dotant d'une somptueuse décoration de style néo-byzantin, dans le goût de l'époque dont la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre en est le meilleur exemple.
Durant les 50 années qu'il vécut à Boulogne, pour ses Concitoyens, le Comte Charles de Boulogne fut le Bâtisseur d'une demeure fantasmagorique. Un homme incompréhensible, un peu fou, un "illuminé" ? Cet homme fut une énigme comme la demeure qu'il fit construire et pourtant la sentence qu'il fit graver sur le portail nous en donne la clef :
"Sortis patiens esto nulli clauderis honesto" ("Soit patient à ton sort nulle chose n'est close à l'honnête homme")
L’armature en béton armé permet au Comte de bâtir un édifice solide dans des courts délais, et surtout de laisser libre cours à sa fantaisie : sculptures des saints, mascarons de gargouilles, inspirations gothiques, motifs romans, références arthuriennes et inscriptions latines... Le château recèle de centaines de trésors cachés qui invitent les visiteurs à déchiffrer les symboles et messages laissés par le Comte Charles de Boulogne.
Une véritable attraction touristique avant la
Première Guerre Mondiale
Le mélange unique des influences et le travail impressionnant du bâti peuvent faire penser à un autre monument insolite, le palais idéal du facteur Cheval, qui verra le jour quelques décennies après la construction de l'œuvre de Charles de Boulogne. Véritable attraction avant-guerre, les nombreuses cartes postales éditées à l’époque sont un précieux témoignage de l’état du château dans ses grandes heures. Le château recevra même les éloges du Figaro qui vantait sa fantaisie déjà unique en son genre. Le journal s’émerveille dans son édition du 24 octobre 1908 : « Le gothique et le roman, le diable et les saints, la légende et l’histoire, l’église et la chevalerie, fraternisent dans la pierre. Château du merveilleux mystique, rêvé dans l'enchantement des âges de foi, que, de son ébauchoir magique, le génial sculpteur éveille du fond des siècles ».
L'héritage de la Grande Guerre
Quelques mois après le début de la Grande Guerre et après la première victoire de la Marne, le front se déplace dans l’Oise. Le château, dont la haute tour offre, à l’époque, une vue imprenable jusqu’à Amiens (à 40km), est réquisitionné par l’armée française.
Un endroit stratégique sur la ligne de front
Offrant une situation assez proche de la ligne de front et assez éloignée pour ne pas être directement menacé, il devient un camp de stationnement et d'observation pour les Poilus. Dans cet endroit insolite, pendant quatre ans, des centaines d'hommes vont s'entraîner, écrire, manger, dormir, et surtout tenter de survivre à ce conflit incroyablement meurtrier.
Aujourd'hui, il nous reste des photos et surtout, les «graffitis » et les signatures des soldats de l’époque laissés dans les souterrains autour du château comme précieux témoin historique.
Les soldats français recevront en 1915 la visite du Maréchal Joffre, du président Poincaré, et du roi Albert Ier, dont la Belgique avait été envahie dès 1914. Une plaque commémore cette visite à l’entrée du château.
Et qu’importe si le Château de Boulogne n’était pas du goût du président de l’époque ! Les soldats nous ont d'ailleurs légué de belles photos, où ils prennent la pose au milieu des sculptures du parc.
Les bombardements et la reconstruction
Au printemps 1918, l’Allemagne ne dispose que de quelques mois pour triompher des Alliés, avant l’arrivée des corps expéditionnaires américains. Le débarquement de ces millions d’engagés aux côtés de la Triple Entente sonnerait en effet le glas des espoirs allemands. Le haut-commandement allemand lance un grand nombre de “coups de boutoir” et Boulogne la Grasse n’est pas épargnée. Le village et son château sont bombardés et pris par l’armée allemande lors des combats autour de Montdidier, les 27 et 28 mars 1918. Les canons français mitraillent à leur tour le château, que les Poilus reprennent le 10 août 1918, quelques mois avant l’arrêt des combats. Ces six mois de combats intensifs laisseront des traces indélébiles. Il faudra près de vingt-cinq ans pour reconstruire certaines parties du château et de ses dépendances, mais les cicatrices de la Grande Guerre sont encore béantes. Pour son martyre durant la guerre, la commune entière de Boulogne la Grasse reçoit la Croix de guerre pour citation à l’ordre de l’Armée le 21 février 1921.
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